Prévention de l’allergie alimentaire : le point en 2023

De nombreux changements ont eu lieu au cours des vingt dernières années en matière de prévention de l’allergie alimentaire. Ils concernent notamment les recommandations sur l’alimentation maternelle pendant la grossesse et l’allaitement, et l’âge d’introduction des aliments possiblement allergisants chez l’enfant. Une équipe australienne a fait le point sur ces nouveautés mais aussi sur les connaissances actuelles du rôle du microbiote intestinal dans la prévention de l’allergie alimentaire.

Une alimentation maternelle saine et variée, sans exclusions

Le premier point concerne l’alimentation pendant la grossesse et l’allaitement. Les données permettent d’affirmer que, contrairement à ce qui a longtemps été recommandé, la mère ne doit pas exclure de son alimentation les aliments contenant des allergènes alimentaires. En revanche, rien n’indique non plus qu’elle doit en consommer s’ils ne font pas partie de son alimentation habituelle. Ce que l’on sait est que l’alimentation de la mère doit être saine et variée. Le lien entre la prévention de l’allergie et la consommation de compléments alimentaires, de prébiotiques, de probiotiques ou de symbiotiques pendant la grossesse et l’allaitement nécessite d’autres explorations.

L’allaitement maternel doit toujours être encouragé, même s’il n’est pas démontré de lien avec la diminution du risque d’allergie alimentaire chez l’enfant. Il s’agit de la meilleure alimentation pour le nourrisson, dont les effets bénéfiques sur le microbiote et le système immunitaire sont, eux, désormais démontrés. Pour les nourrissons qui ne sont pas allaités, les directives internationales ne recommandent plus l’utilisation d’hydrolysats partiels ou extensifs pour la prévention de l’allergie alimentaire. L’Académie européenne d’allergie et d’immunologie clinique (EAACI) émet une recommandation contre l’utilisation de formules à base de soja pendant les 6 premiers mois de vie.

L’introduction des allergènes dès la diversification

De nombreux essais randomisés contrôlés se sont intéressés au lien entre l’âge d’introduction des principaux allergènes et la prévention de l’allergie, à la fois chez des enfants à faible risque d’allergie et chez ceux à haut risque. Les résultats de ces études ont amené à modifier les recommandations, qui préconisent désormais l’introduction précoce de l’arachide et des œufs dans l’alimentation des enfants. Notamment, une méta-analyse de deux grands essais randomisés conclut que l’introduction de l’arachide entre 4 et 11 mois réduit significativement le risque d’allergie (risque relatif RR 0,29 ; IC 95 % : 0,11 à 0,74).

Pour l’œuf, une méta-analyse de 5 essais randomisés montre que son introduction entre 4 et 6 mois réduit le risque d’allergie (RR 0,56 ; IC 95 % 0,36 à 0,87). L’introduction précoce des œufs bien cuits semble plus sûre et plus efficace pour la prévention que celle d’œufs crus pasteurisés.

En ce qui concerne l’introduction du lait de vache, le débat continue et ne manque pas d’intérêt. Les résultats des études concernant son introduction précoce chez l’enfant exclusivement allaité sont encore incertains. Selon certains chercheurs, elle pourrait être bénéfique, à la condition d’être régulière et poursuivie au long cours.

Pour les autres allergènes alimentaires, les données sont limitées, mais leur introduction au cours de la première année de vie pourrait être bénéfique. Une alimentation variée semble prévenir le risque d’allergie. Ainsi, il a été montré que plus l’alimentation est diversifiée à 6-9 mois, plus le risque d’allergie alimentaire à 10 ans est faible. En revanche, une fois l’aliment introduit, il doit être fréquemment consommé.

Le microbiote, intervenant essentiel dans l’allergie alimentaire

De très nombreux travaux ont été consacrés au lien entre le microbiote intestinal et l’allergie alimentaire. Il existe des différences de composition et de diversité du microbiome entre les enfants qui présentent une allergie alimentaire et les enfants non allergiques. Chez les enfants allergiques au lait de vache, des différences sont constatées aussi chez ceux qui acquièrent une tolérance au lait et ceux chez lesquels l’allergie persiste.

L’effet immunomodulateur du microbiote intestinal dépend de sa capacité à produire des acides gras à chaines courtes, particulièrement les butyrates, qui agissent en régulant la production d’interleukines et sur l’immuno-régulation intestinale. Plusieurs études ont exploré la question des bénéfices de l’alimentation riche en végétaux et en fibres. Toutefois, les données manquent encore pour établir le profil type de l’alimentation « idéale » et concernant le rôle de la consommation des différents nutriments, prébiotiques et probiotiques dans la prévention de l’allergie alimentaire.

Les aliments ultra-transformés, dont la consommation est courante dans les sociétés occidentales, sont associés à une augmentation de la prévalence d’allergies alimentaires. Ce type d’alimentation n’est pas adapté en termes de valeurs nutritionnelles, pauvre en fibres et riche en sel et sucres, sans compter les additifs, conservateurs, colorants, émulsifiants, etc., qui les composent et qui sont suspectés d’être en lien avec l’allergie via des modifications du microbiote.

Enfin, des taux faibles de vitamine D et d’acide gras omega-3 pourraient être associés au risque d’allergie, mais les études n’ont pas encore fourni de résultats assez solides pour que des recommandations de supplémentations soient établies.

Les auteurs concluent en rappelant que ces recommandations s’appliquent à toutes les familles et pas seulement celles classiquement considérées comme à risque d’allergie. Ils estiment en effet qu’il est impossible d’établir avec certitude le risque d’apparition d’une allergie alimentaire et qu’aujourd’hui toutes les familles ont un risque inhérent d’allergie, justifiant la prévention pour toutes.


Synthèse de publication réalisée en collaboration avec l’entreprise Nutricia.

Dr Roseline Péluchon

Venter C et coll. : Food allergy prevention: Where are we in 2023? Asia Pac Allergy. 2023 Mar;13(1):15-27.