Les pleurs sont le seul moyen pour un nourrisson d’exprimer un besoin. Les pleurs « excessifs » sont toutefois un motif fréquent de consultation et concerneraient entre 5 % et 25 % des nourrissons selon les études. Ils sont qualifiés d’« excessifs » en raison des éléments suivants :
- Leur durée, qui peut s’étendre sur plusieurs heures par jour.
- L’inconsolabilité du nourrisson.
- Le fait qu’ils ne concernent que des enfants en bonne santé.
Bien qu’aucune cause somatique ne soit identifiable, les données et les expériences cliniques montrent que les pleurs « excessifs » peuvent entraîner des conséquences à long terme pour le développement, la santé et les liens d’attachement de l’enfant. Les parents qui consultent pour ce motif recherchent non seulement un avis médical, mais aussi des solutions nutritionnelles ou pharmacologiques. Toutefois, en dehors de l’allergie aux protéines de lait de vache (APLV) ou d’un reflux gastro-œsophagien (RGO), les traitements ne sont pas concluants. Les aspects clés de la prise en charge impliquent principalement l’éducation parentale et la réassurance des parents, bien que la démarche soit rarement documentée. Afin de définir cette prise en charge, il est nécessaire en premier lieu de décrire précisément les besoins des parents. C’est dans cette optique qu’une équipe néerlandaise a entrepris une étude au moyen d’entretiens semi-structurés menés auprès des parents de 12 enfants présentant des pleurs « excessifs ». Les parents ont partagé leurs expériences concernant l’impact des pleurs « excessifs » sur leur condition de parents et le bien-être de la famille, ainsi que leur expérience en matière de support médical.
Les attentes des parents, regroupées en 4 thèmes
Quatre thèmes interdépendants ont été identifiés, synthétisant les différents besoins de ces parents :
- La confiance envers le professionnel de santé est le thème exprimé dans chaque interview, favorisée par une bonne écoute et l’expertise du professionnel. Plusieurs parents expriment le besoin d’un plan de soins pour leur enfant, avec un suivi clairement défini.
- L’attente d’explorations à la recherche de causes somatiques aux pleurs « excessifs », L’inconsolabilité de leur enfant suscite chez les parents des inquiétudes quant à leur capacité à s’occuper de lui correctement.
- L’attente de la reconnaissance et de la confirmation par les professionnels de santé que les pleurs de leur enfant sont effectivement « excessifs ». Ce point peut être obtenue en invitant les parents à tenir un journal des pleurs ou à enregistrer des vidéos de leur enfant.
- Enfin, le quatrième point, bien que pas toujours explicitement évoqué par les parents, est néanmoins omniprésent. Il s’agit du sentiment de fatigue et du besoin de soutien pour briser la spirale négative de l’épuisement et de l’échec.
Ces quatre thèmes exprimés par les parents permettent de définir un parcours de prise en charge en huit étapes.
Un itinéraire de prise en charge en 8 étapes :
- Étape 1 : L’évaluation par le professionnel marque le début de ce processus, en gardant à l’esprit que les parents évaluent l’attention que le professionnel leur porte dès la première rencontre.
- Étape 2 : La vérification de l’absence de cause somatique.
- Étape 3 : L’encouragement des parents à partager leur expérience et à s’exprimer sur la gravité des pleurs de leur enfant.
- Étape 4 : Invitation des parents à discuter de la manière dont ces pleurs affectent leur bien-être et de leurs stratégies pour y faire face.
- Étape 5 : Soutien par le professionnel en se concentrant sur le bien-être des parents, en confirmant sa compréhension des difficultés, en les rassurant quant à leurs compétences, voire en recommandant un soutien psychologique si nécessaire.
- Étape 6 : Confirmation que les pleurs sont effectivement « excessifs ».
- Étape 7 : L’explication de l’absence de cause somatique.
- Étape 8 : Elaboration d’un plan de soins pour le nourrisson de manière à rassurer les parents, avec l’organisation des rendez-vous de suivi.
Les auteurs invitent les professionnels de santé à intégrer ces huit étapes dans leur plan de soin. Ces étapes peuvent être répétées, par les différents intervenants et au fil du temps (par exemple, les étapes 2 et 7 en cas de persistance de l’inquiétude des parents concernant une cause somatique). De plus, les auteurs préconisent une approche préventive en renforçant considérablement l’éducation parentale sur le sommeil des nourrissons et les méthodes d’apaisement dès avant la naissance, et assurément avant l’apparition de pleurs « excessifs », dans le but de renforcer le sentiment de confiance des parents en leurs compétences.
Dr Roseline Péluchon
Harskamp-Van Ginkel MW, Klazema W, Hoogsteder MHH, Chinapaw MJM, van Houtum L. The need of having a plan in excessive infant crying – A qualitative study of parents’ experiences of healthcare support. Acta Paediatr. 2023;112(3):434-441. doi:10.1111/apa.16618