Régimes spécifiques et alternatives végétales : que doit-on en penser ?

Le choix de suivre un régime spécifique peut être motivé par diverses raisons : religieuses, environnementales, défense de la cause animale, suspicion qualité en lien avec certains scandales sanitaires (vache folle par exemple), etc. Ces régimes sont parfois imposés aux enfants. S’ils ne sont pas correctement diversifiés (et/ou supplémentés), ces régimes peuvent entrainer des conséquences délétères et parfois irréversibles pour les enfants.

Régimes alternatifs, quelles conséquences sur la santé de l’enfant ?

Le régime végétarien

Les végétariens excluent toute viande ou poisson de leur alimentation mais consomment des œufs et des produits laitiers. La prévalence du végétarisme en France a été estimée en 2017 à 0,4 % chez les enfants et les adolescents (versus 1,8 % chez les adultes). Si le régime n’est pas correctement suivi et diversifié (en combinant par exemple céréales et légumes, lait et œufs), des carences nutritionnelles peuvent survenir : carence martiale, carences en calcium, vitamine D, certains acides aminés essentiels et oméga 3 et enfin carence en vitamine B12 (si les apports en œuf et produits laitiers ne sont pas suffisants). Par ailleurs, il est à noter, à la différence des adultes, le régime végétarien ne semble pas apporter un bénéfice cardiovasculaire chez les enfants. (Peretti, 2020)

Le régime végétalien

Le régime végétalien (ou vegan) est encore plus restrictif : les végétaliens excluent de leur alimentation tout produit d’origine animale (viande, poissons, œufs, produits laitiers, miel …). Il n’existe pas de données françaises sur sa prévalence mais elle a été estimée à 1 % chez les enfants et adolescents aux Etats-Unis. Suivre un régime végétalien expose à des carences en vitamine B12, vitamine D, fer, calcium, acide eicosapentaénoïque et acide docosahexaénoïque (DHA). (Lemale, 2019)

Des carences aux conséquences délétères

Ces carences ont des effets délétères sur la santé de l’enfant à savoir : (Tounian, 2016)

  • Carence en vitamine B12 : risque d’anémie mégaloblastique et d’atteinte neurologique (troubles neurosensoriels et moteurs).
  • Carence en fer : risque d’anémie, d’asthénie, de retard de croissance et/ou du développement psychomoteur, de troubles neuropsychiques divers et d’un sur-risque infectieux. Pour en savoir plus : La carence martiale du nourrisson.
  • Carence en calcium : déficit minéral osseux qui augmente le risque de fractures, convulsions hypocalcémiques.
  • Carence en zinc : lésions cutanées sévères.
  • Carence en acides gras essentiels : risque sur le développement psychomoteur et cutané.
  • Carence en protéines : risque d’atrophie musculaire, de troubles du développement, de retard staturo-pondéral.

Attention aux jus végétaux

Par ailleurs, l’utilisation de jus végétaux (châtaignes, amandes, noix de coco, noisettes, riz ou soja le plus souvent) en remplacement du lait maternel et/ou des formules infantiles (dans le cadre d’un régime végétalien notamment) expose à un risque élevé de complications nutritionnelles graves, qui peuvent être mortelles, surtout si leur administration est prématurée. La composition exacte des jus végétaux n’est indiquée sur l’emballage que dans un tiers des cas et ne respecte pas les recommandations et règlementations européennes qui encadrent la composition des formules infantiles. Elles ont le plus souvent une faible teneur en lipides, protéines, calcium, fer, zinc, vitamines D, K et B12 avec une densité énergétique inférieure à celle des laits infantiles (Tounian, 2016). Une étude multicentrique française portant sur un effectif de 34 enfants ayant débuté leur consommation de jus végétaux en moyenne à 5,2 mois, a montré des complications nutritionnelles de sévérité variable : cassure staturo-pondérale (82 %), œdème diffus, anémie ferriprive (60 %), hypoalbuminémie (55 %), état convulsif par hypocalcémie… La moitié de ces enfants ont été hospitalisés en raison de ces complications et ce, surtout si la consommation de jus végétaux a débuté avant l’âge de 4 mois (Lemale, 2018).

L’avis des sociétés savantes et des autorités de santé

Alimentation végétarienne

La Société Européenne de Pédiatrie, Gastroentérologie, Hépatologie et Nutrition (ESPGHAN) et le Comité de Nutrition de la Société Française de Pédiatrie (SFP) ne donnent pas d’avis tranché sur le végétarisme chez l’enfant mais considèrent qu’une attention particulière doit être portée aux apports nutritifs adéquats (surtout durant la diversification alimentaire) (Fewtrell, 2017) (Peretti, 2020).

Alimentation végétalienne

Suivre un régime végétalien expose la population pédiatrique à de nombreuses carences. De ce fait, le comité de nutrition de l’ESPGHAN et le Groupe Francophone d’Hépatologie-Gastroentérologie et Nutrition Pédiatriques (GPHGNP) ne recommandent pas ce type de régime (a fortiori durant la diversification alimentaire) mais si tel est le souhait des parents, un suivi diététique et médical rapproché des enfants doit être réalisé afin d’éviter tout impact sur leur santé (Lemale, 2019).

Utilisation de jus végétaux

Suite à des signalements de cas graves chez des enfants de moins d’un an, nourris en partie ou exclusivement avec des boissons végétales, l’Anses a émis un avis rappelant que : « Les parents doivent être informés du fait que les boissons courantes qu’elles soient d’origine végétale ou animale ne conviennent pas aux nourrissons âgés de moins d’un an : elles ne peuvent se substituer au lait maternel et/ou aux laits infantiles 1er et 2ème âge, cette pratique pouvant être à l’origine d’accidents graves » (Anses, 2015). Au même titre, le GPHGNP déconseille fortement l’utilisation des jus végétaux chez le nourrisson (Lemale, 2019).

Régimes végétarien ou végétalien : quelle attitude adopter face aux parents ?

Dans l’intérêt de l’enfant et afin de ne pas perdre contact, il est plutôt recommandé d’accompagner les parents que de lutter contre leurs convictions. Que leur conseiller ? Voici ce que recommandent les sociétés savantes.

Dans le cas d’un régime végétarien

Il est nécessaire d’apporter des quantités suffisantes en fer, calcium, vitamine D, vitamine B12, zinc et oméga 3, en particulier avant l’âge de 3 ans, afin d’assurer une croissance et un développement neurologique et cognitif adéquats (Peretti, 2020). Pour ce faire, il est nécessaire de diversifier l’alimentation de l’enfant en incluant des fruits et légumes, des légumes secs et produits céréaliers (blé, quinoa, riz, sarrasin …), les produits laitiers, des œufs et substituts de protéines animales (tofu, légumineuses) et des huiles riches en acides gras essentiels.

Dans le cas d’un régime végétalien

Pour atteindre les objectifs nutritionnels, le GFHGNP recommande l’utilisation de préparations infantiles à base de protéines de riz ou de soja chez le nourrisson et l’enfant (idéalement jusqu’à l’âge de 6 ans et même au-delà). Quand l’enfant ne consomme plus ces formules, il est nécessaire de : varier les sources de protéines (céréales, légumes) afin d’assurer un apport adéquat en acides aminés, supplémenter en vitamine B12, doser régulièrement la ferritine et le zinc sériques afin de décider d’une supplémentation en fer et/zinc et consommer des sels iodés (2 à 5 g/jour).

Par ailleurs, chez le nourrisson, chez le nourrisson comme chez les jeunes enfants suivant un régime végétalien, il est indispensable d’être vigilant aux apports en DHA en maintenant le plus longtemps possible, la consommation de formule infantile enrichie en DHA et en ajoutant systématique dans les repas un apport d’huiles riches en acide alpha-linolénique (colza, noix, soja). (Lemale, 2019). Chez le grand enfant, une supplémentation systématique en acide eicosapentaénoïque (EPA) et DHA sous forme d’algues (100 mg/jour) est nécessaire. Sinon, l’alimentation doit privilégier les aliments riches en oméga-3. Enfin, il est recommandé une supplémentation systématique des nourrissons et enfants végétaliens en calcium (200-500 mg/jour en fonctions des autres apports) et en vitamine D (comme c’est le cas pour la population générale) (Lemale, 2019).

Qu’en est-il de la femme enceinte ou allaitante ?

Qu’il s’agisse d’un régime végétarien non équilibré ou d’un régime végétalien, les carences nutritionnelles de la femme enceinte ou allaitante peuvent se répercuter sur l’état de santé de son enfant. Les mères qui suivent un régime restrictif de ce type doivent s’assurer d’un apport adéquat en nutriments (en particulier en vitamines B12 et D, en protéines, en DHA, en calcium, en fer, en zinc et en iodine) pendant la grossesse et l’allaitement, à partir d’aliments enrichis ou de suppléments (Fewtrell, 2017) (Lemale, 2019), il est particulièrement important de supplémenter les femmes enceintes ou allaitantes végétaliennes avec 100-200mg/jour de DHA (origine algue) (Lemale, 2019).

Pour aller plus loin : Les besoins nutritionnels de la femme enceinte ou allaitante

Les régimes restrictifs de type végétarien ou végétalien sont de plus en plus pratiqués en France et dans le monde. Les sociétés savantes ne recommandent en général pas ce type de régimes chez le nourrisson et l’enfant. Le régime dit « flexitarien » qui consiste à consommer une quantité limitée de viande rouge (au profit de la volaille et du poisson) (Peretti, 2020), semble une alternative plus en phase avec la « diète » du jeune enfant. En effet, ce dernier consomme majoritairement des produits d’origine végétale (fruits, légumes, céréales), hormis l’allaitement maternel et les formules infantiles.

Néanmoins, si le souhait des parents est de faire suivre un régime strict à leur enfant, les professionnels de santé ont le rôle d’informer les parents sur les risques de carences et de maintenir le dialogue pour accompagner ce choix, s’assurer des apports nutritionnels adéquats et éviter les conséquences délétères sur le développement de l’enfant.


Références :

1. AVIS de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif aux risques liés à l’utilisation de boissons autres que le lait maternel et les substituts du lait maternel dans l’alimentation des nourrissons de la naissance à 1 an. Février 2013. Disponible sur : https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2011sa0261.pdf.
2. Fewtrell, M, et coll. Complementary Feeding: A Position Paper by the European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition (ESPGHAN) Committee on Nutrition, Journal of Pediatric Gastroenterology and Nutrition: January 2017 – Volume 64 – Issue 1 – p 119-132 doi: 10.1097/MPG.0000000000001454.
3. Lemale J, et coll. Replacing breastmilk or infant formula with a nondairy drink in infants exposes them to severe nutritional complications. Acta Paediatr. 2018 Oct;107(10):1828-1829. doi: 10.1111/apa.14437.
4. Lemale J, et coll. Vegan diet in children and adolescents. Recommendations from the French-speaking Pediatric Hepatology, Gastroenterology and Nutrition Group (GFHGNP). Arch Pediatr. 2019 Oct;26(7):442-450. doi: 10.1016/j.arcped.2019.09.001.
5. Peretti N, et coll ; Comité de Nutrition de la Société Française de Pédiatrie (CNSFP). Vegetarian diet in children and adolescents: A health benefit? Arch Pediatr. 2020 May;27(4):173-175. doi: 10.1016/j.arcped.2020.03.010.
6. Tounian P. Végétalisme chez l’enfant : une véritable maltraitance nutritionnelle. Centre de recherche et d’information nutritionnelles. N° 152 Sep – Oct 2016.