Le microbiote, un acteur important de l’installation de l’immunité

La maturation du système immunitaire du nourrisson se fait progressivement au fil des semaines. Le microbiote intestinal intervient dans l’immunité en consolidant le rôle barrière de l’épithélium intestinal, mais il joue aussi un rôle dans la maturation du système immunitaire.

Le microbiote renforce l’effet barrière de l’épithélium intestinal

Le microbiote contribue à consolider l’effet de barrière de l’épithélium intestinal, qui s’exerce vis à vis des bactéries potentiellement pathogènes. L’effet est à la fois physique et chimique.

Au niveau de la paroi intestinale, il existe une compétition entre les bactéries pathogènes et les bactéries commensales pour les nutriments et l’occupation des sites d’adhérence épithéliaux. Les glycanes présents dans la couche de mucus font office de nutriments pour certaines bactéries composant le microbiote. Cela leur confère un avantage sur les bactéries exogènes, avantage qui leur permet d’occuper l’espace, renforçant ainsi la barrière physique contre les bactéries éventuellement pathogènes.

A cela s’ajoute la production par le microbiote de facteurs antimicrobiens (bactériocines) et sa contribution à l’amélioration des jonctions serrées entre les cellules épithéliales. Enfin, le microbiote stimule la production de peptides antimicrobiens par les cellules épithéliales et induit la production d’IgA sécrétoires(1).

Le microbiote intestinal favorise le développement et le fonctionnement du système immunitaire

La découverte de l’impact du microbiote intestinal sur le développement et la maturation du système immunitaire est issue de l’observation de souris axéniques (élevées en milieu stérile et ne possédant pas de microbiote). Plusieurs anomalies ont ainsi été dénombrées au niveau du système immunitaire intestinal de ces souris : immaturité des plaques de Peyer (qui sont des inducteurs de l’immunité au niveau intestinal), pauvreté de la population lymphocytaire, faible sécrétion intestinale d’IgA, et enfin concentration d’immunoglobulines sériques et production de cytokines limitées. Mais les anomalies ne s’observent pas uniquement au niveau de l’épithélium intestinal, puisque la rate et les ganglions lymphatiques présentent eux aussi des anomalies structurelles et fonctionnelles. L’inoculation aux souris axéniques du microbiote de souris élevées dans une animalerie classique, est suivi d’une correction des anomalies. Ces données suggèrent un rôle essentiel joué par le microbiote dans le développement du système immunitaire(2). Le dialogue entre microbiote intestinal et système immunitaire a été confirmé par différentes publications chez l’homme, si bien que le rôle du microbiote intestinal dans la maturation et le fonctionnement du système immunitaire est bien établi.

Au-delà de cet impact sur la structure même du système immunitaire, le microbiote est impliqué dans son fonctionnement, par l’intermédiaire des substrats qu’il produit. L’intestin est un organe riche en lymphocytes T, acteurs de la réponse immunitaire adaptative. Parmi eux se trouvent les lymphocytes Th17 effecteurs, impliqués dans la réponse aux infections bactériennes extracellulaires et fongiques. L’équilibre entre ces Th17 et les lymphocytes T régulateurs (Treg) est une condition déterminante pour le maintien de l’homéostasie intestinale. Les travaux montrent que le microbiote joue un rôle déterminant dans le maintien de cet équilibre. Certaines bactéries du microbiote, par l’intermédiaire des acides gras à chaine courte qu’elles produisent, stimulent plus particulièrement les Th17, alors que d’autres bactéries stimulent les Treg(3).

Cet équilibre Th17/Treg est particulièrement important, sa rupture pouvant entraîner une inflammation intestinale comme par exemple la maladie de Crohn(2).

Par ailleurs, des liens entre dysbiose (déséquilibre du microbiote) et dysfonctionnement immunitaire ont été établis. A titre d’exemple, le mode d’accouchement (par voie basse ou par césarienne) influe sur le développement du microbiote intestinal et du système immunitaire du nouveau-né. L’absence d’exposition au microbiote vaginal et fécal de la mère (lors d’une césarienne) va en effet altérer le type et la diversité du microbiote intestinal du nouveau-né retardant notamment la colonisation des Bacteroidetes durant les deux premières années de vie. Il a été démontré que ce retard de colonisation par les Bacteroidetes associé à la césarienne s’accompagnait d’une réduction des réponses Th1 au cours des deux premières années de vie(4).

La découverte du rôle joué par le microbiote intestinal dans le développement de l’immunité innée et adaptative justifie en grande partie l’intérêt porté à ce que certains n’hésitent pas à considérer comme un organe à part entière.


Références :

1. Landman C. et coll. Le microbiote intestinal : description, rôle et implication physiopathologique – La Revue de médecine interne 37 (2016) 418–423.

2. Les fondamentaux de la pathologie digestive – Chap 13 : Microbiote et immunité intestinale – Ed Elsevier Masson – Oct 2014.

3. Wopereis H. et coll. : The first thousand days – intestinal microbiology of early life: establishing a symbiosis. Pediatr Allergy Immunol 2014: 25: 428–438.

4. Francino MP. Birth Mode-Related Differences in Gut Microbiota Colonization and Immune System Development. Ann Nutr Metab. 2018;73 Suppl 3:12-16. doi: 10.1159/000490842.