Diagnostic des troubles digestifs chez l’enfant : quelle place pour l’imagerie ?

Les troubles digestifs sont un motif très fréquent de consultation du nourrisson. Le reflux gastro-œsophagien (RGO) et la constipation font partie des troubles les plus souvent rencontrés.

Le diagnostic nécessite parfois des examens complémentaires dont l’imagerie fait partie. Une synthèse a été publiée récemment, qui définit la place des différents examens, avec pour objectif essentiel d’assurer un diagnostic précis, tout en rendant la démarche diagnostique la moins invasive possible.

L’imagerie, deuxième étape pour le diagnostic de reflux gastro-œsophagien

Les symptômes du reflux gastro-œsophagien culminent vers le 4ème mois de vie. Le reflux est physiologique dans la majorité des cas, décrit comme « simple » ou « non compliqué ». Il correspond à un trouble de la maturation du sphincter inférieur de l’œsophage, siège d’épisodes spontanés et répétés de relaxation, et se manifeste surtout par des régurgitations survenant en post-prandial. Il ne s’accompagne d’aucune complication et ne nécessite généralement pas d’explorations complémentaires. Les troubles disparaissent le plus souvent avant l’âge de 1 an.

En revanche, le reflux peut être pathologique. Il constitue une comorbidité fréquente de nombreuses maladies, comme les malformations congénitales de l’œsophage, du diaphragme ou de la paroi abdominale. Il peut être la conséquence de la correction chirurgicale d’une atrésie de l’œsophage ou accompagner de nombreuses situations de handicap. Des complications surviennent en l’absence de traitement : œsophagite, sténose, anémie, troubles de la croissance, aspirations à répétition ou dénutrition, pouvant aller jusqu’au décès.

Le reflux compliqué est souvent diagnostiqué à un stade déjà avancé. Il peut donc être utile de rappeler les symptômes face auxquels des investigations doivent être entreprises :

  • Symptômes en lien avec le volume des reflux : vomissements, troubles alimentaires, anomalies de la courbe de poids.
  • Symptômes pulmonaires : micro-aspirations et toux durant la nuit, épisodes aigus, pneumopathie récidivante.
  • Symptômes liés à l’acidité : douleurs, anémie par carence martiale, œsophagite, œsophage de Barrett.

Les tests fonctionnels

  • La pH-impédancemétrie œsophagienne est actuellement l’examen de référence pour la confirmation du RGO. Mené sur au moins 22 heures, elle permet de mesurer en continu le pH et l’impédance électrique en différents points de l’œsophage. Elle détecte un reflux, qu’il soit liquide, solide ou gazeux, et quel que soit le pH.
  • La manométrie œsophagienne et la manométrie haute résolution permettent de mesurer les variations de pression le long de l’œsophage au cours de la déglutition, et de décrire la position, la contractilité et la relaxation des sphincters œsophagiens. Ces examens ont perdu beaucoup de leur intérêt depuis l’arrivée de la pH-impédancemétrie. C’est le cas aussi de la pH-métrie des 24 heures, qui reste toutefois une option, notamment économique, en cas de troubles sévères du péristaltisme.

L’imagerie

Pratiquement toutes les techniques d’imagerie peuvent être utile pour la détection d’un RGO, avec toutefois des différences dans les performances en termes de sensibilité et de spécificité.

  • L’échographie permet de visualiser la jonction gastro-œsophagienne dans un plan para sagittal. Elle évalue la longueur de l’œsophage abdominal, l’épaisseur de la paroi de l’œsophage, son diamètre, et permet d’estimer approximativement l’angle de His. En revanche, elle ne fournit pas de données qualitatives et ne différencie donc pas un reflux « banal » d’un reflux sévère. L’échographie est utile aussi pour préciser les causes d’un reflux secondaire.
  • La radio thoracique simple peut repérer un œsophage rempli d’air, évocateur d’un RGO, particulièrement chez un enfant présentant des infections respiratoires à répétition. Un « pneumo œsophage » est fréquent à la radiographie chez les patients supplémentés en oxygène. Il faut se rappeler que l’alimentation par tube nasogastrique peut provoquer un RGO en perturbant la fermeture du sphincter inférieur de l’œsophage.
  • Enfin, le transit avec produit de contraste (baryum ou produit de contraste hydrosoluble) n’a fait l’objet d’aucune publication depuis plus de 20 ans. Il présente une faible spécificité et l’inconvénient d’exposer l’enfant aux radiations. Le remplacement du baryum par un produit hydrosoluble réduit les chances de détection d’une œsophagite. Cet examen permet toutefois d’évaluer la déglutition, d’exclure une obstruction mécanique ou une anomalie anatomique comme une sténose du pylore ou une malrotation.

En conclusion, pour les auteurs de la synthèse, l’évaluation du RGO peut être réalisée selon la progression suivante :

  • 1ère étape : examen clinique, pH-impédancemétrie et échographie abdominale.
  • 2ème étape : Si la pH-impédancemétrie est pathologique, un transit avec produit de contraste est programmé.
  • 3ème étape : si ce dernier montre un reflux sévère, une endoscopie avec biopsie est réalisée.

La constipation

L’imagerie tient aussi une place non négligeable dans le parcours diagnostique de la constipation résistante aux traitements classiques. 

  • L’échographie permet d’examiner l’ensemble de l’intestin, à l’exception des boucles masquées par les gaz. Elle repère une hypertrophie de la paroi colique au cours d’une stase stercorale, des modifications inflammatoires ou un fécalome.
  • La radiographie simple peut aider à identifier la partie de l’intestin dilatée et évaluer l’importance de l’impaction fécale et le diamètre du rectum (qui normalement mesure entre le tiers et la moitié du diamètre pelvien). Un dolichosigmoïde peut aussi être repéré par la radio simple, sauf chez le nouveau-né.
  • Le temps de transit colique consiste à faire absorber à l’enfant des marqueurs radio opaques pendant 6 jours consécutifs et à réaliser une radiographie abdominale le 7ème jour. En fonction du nombre de marqueurs et de leur distribution, il est possible de calculer le temps de transit.
  • Enfin, la défécographie est l’examen de référence en cas d’anomalies repérées à la manométrie anorectale haute résolution. Elle fournit des renseignements utiles, notamment sur le réflexe inhibiteur anorectal, absent dans la maladie de Hirschsprung. Elle permet aussi de détecter un rectocèle ou une invagination. La défécographie est la dernière étape avant la biopsie chez un enfant présentant une constipation résistante aux traitements.

Ainsi l’imagerie joue un rôle important dans l’établissement d’un diagnostic de reflux gastro-œsophagien pathologique ou de constipation du nourrisson. Une bonne coopération entre le clinicien et le radiologue favorise l’établissement d’un diagnostic précis, forgeant les bases d’une thérapeutique adaptée. 

Dr Roseline Peluchon


Sorantin E, et coll. Integrative diagnostics of the gastro-intestinal tract – gastroesophageal reflux and constipation in practice. Pediatr Radiol. 2024 Apr;54(4):505-515