Le lait maternel contient des centaines de composants, parmi lesquels des micro et macronutriments, des facteurs immuns, des hormones, des oligosaccharides et des microorganismes, qui en font toute la spécificité. De nombreux facteurs régissent la variabilité inter- et intra-individuelle du lait maternel mais le rôle relatif de ces différents facteurs est encore imprécis. Il persiste notamment plusieurs inconnues concernant le rôle de la génétique sur la composition du lait, ainsi que son impact sur le microbiote intestinal du nouveau-né allaité.
Une étude a été publiée récemment, afin de déterminer les interactions entre, d’une part, le fond génétique de la mère, et d’autre part la composition du lait maternel et celle du microbiote intestinal des nourrissons, dans 242 duos mère-nourrisson. Les nourrissons étaient exclusivement allaités. Le lait humain contient des cellules épithéliales et plusieurs types de cellules immunitaires, permettant de réaliser des séquençages de l’ARN et d’étudier les variations de l’expression des différents gènes sur des échantillons de lait. Dans cette étude, les échantillons ont été prélevés à la fin du premier mois de d’allaitement.
L’expression des gènes est corrélée à certaines caractéristiques maternelles et à la composition du lait
Les trois gènes les plus fortement exprimés dans le lait sont CSN2, LALBA, CSN3 qui codent pour les principales protéines du lait, la bêta et la kappa-caséine (CSN2, CSN3) et la lactalbumine (LALBA), protéine essentielle pour le lactose et la synthèse des HMO (Human milk oligosaccharides).
D’autres caractéristiques peuvent être sous l’influence de facteurs génétiques, comme le volume de lait produit, inversement associé à l’expression du gène PER2, lui-même étroitement lié à l’horloge circadienne. Les auteurs notent que les rythmes d’expression du PER2 sont supprimés dans la glande mammaire pendant la lactation, probablement pour rendre possible la production de lait sous l’effet de la succion.
La concentration de certains composants inflammatoires comme l’IL-6 est elle aussi fortement liée à l’expression de plusieurs gènes dans le lait, donnée cohérente avec celles faisant de l’IL-6 un marqueur de l’inflammation au niveau de la glande mammaire.
Au total, 487 loci spécifiques du lait maternel ont été identifiés, associés aux voies biologiques de la lactation, comme la production de caséine, la synthèse du lactose ou la lipogenèse, mais aussi au risque de cancer du sein.
Rappelons que les études épidémiologiques ont décrit une relation complexe entre la lactation et le risque de cancer du sein, avec une augmentation du risque à court terme associé à la grossesse, mais une réduction du risque global corrélée à un allaitement prolongé. Dans cette étude, 9 loci sont identifiés associés au risque de cancer du sein, avec des preuves solides d’une variante causale partagée, dont un qui n’était pas encore connu comme tel (LMX 1B).


Le lait maternel,
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depuis plus de 50 ans

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Et le microbiote dans tout cela ?
La génétique maternelle joue un rôle important dans la concentration du lait en HMO, sucres présents dans le lait et contribuant à l’installation d’un microbiote bénéfique dans l’intestin du nourrisson. Notamment, la présence de ces sucres est très fortement, voire totalement pour certains, associée à l’expression du gène FUT2. C’est le cas pour les HMO 2’FL et 6’SL. Ainsi, l’analyse de l’expression des gènes dans le lait maternel peut être utilisée pour compléter l’identification des gènes indispensables à la synthèse des HMO, précieux composants du lait maternel. Il est démonté aussi que l’expression de gènes liés à l’inflammation dans le lait est corrélée avec l’abondance de Bifidobactéries dans l’intestin du nourrisson, bénéfiques pour la santé de celui-ci.
En conclusion, pour les auteurs, les avancées dans la connaissance de la génétique et de la génomique du lait humain permettront de faire le lien entre la biologie de la lactation et les bénéfices reconnus de l’allaitement sur la santé du nourrisson et de l’enfant.
Johnson KE, et coll. Human milk variation is shaped by maternal genetics and impacts the infant gut microbiome. Cell Genom. 2024 Oct 9;4(10):100638. doi: 10.1016/j.xgen.2024.100638.