L’OMS (Organisation mondiale de la santé) et les sociétés pédiatriques recommandent l’allaitement maternel exclusif jusqu’à 6 mois, puis sa poursuite pendant la diversification alimentaire et ce jusqu’à 2 ans, si possible.
La composition du lait maternel est en effet unique, naturelle et parfaitement adaptée pour accompagner le développement du nourrisson. Le lait maternel n’apporte pas seulement les nutriments essentiels au nourrisson, il contient aussi des composants bioactifs. Parmi eux, les HMO (human milk oligosaccharides) font l’objet de très nombreuses recherches depuis quelques années.
Les oligosaccharides, 3ème composant du lait maternel
Les oligosaccharides sont des glucides bioactifs, synthétisés dans la glande mammaire dès la fin de la grossesse. Ils sont composés par 5 monosaccharides (Lactose, N-acétyl-D-glucosamine, D-galactose, acide sialique et/ou L-fucose), associés selon plusieurs types de liaisons glycosidiques. La complexité structurelle des oligosaccharides du lait humain est unique.1
Actuellement plus de 150 oligosaccharides ont été identifiés dans le lait maternel, mais moins de 50 y sont présents en quantités significatives. Avec une concentration variant de 5 à 20 g/l, les oligosaccharides sont le 3ème plus important composant solide du lait maternel, après le lactose et les lipides. Leur concentration et leur diversité dans le lait maternel sont supérieures à celles de tous les autres mammifères.2
Le profil d’oligosaccharides varie selon les femmes, en fonction de l’expression des gènes codant pour les deux enzymes spécifiques nécessaires à cette synthèse. Le facteur le plus déterminant pour la concentration d’oligosaccharides est toutefois le stade de la lactation : la concentration varie au fil du temps, passant d’environ 20 g / l dans le colostrum à 10-15 g /l dans le lait mature (environ 15 jours après l’accouchement) et à 4 à 6 g / l à 6 mois de lactation2.
D’autres facteurs peuvent influencer la quantité et la composition des oligosaccharides, comme la situation géographique, la durée de la grossesse, ou l’exercice, mais l’impact clinique de ces autres facteurs semble modeste2.
Après leur ingestion, un pourcent des oligosaccharides est absorbé dans l’intestin grêle et passe dans le sang. Les 99 % restants parviennent intacts dans le colon où ils exercent plusieurs actions bénéfiques.1
Les oligosaccharides favorisent l’installation d’un microbiote équilibré
Le microbiote intestinal s’installe dès la naissance et sa composition dépend de plusieurs variables, comme le mode d’accouchement, le mode d’alimentation, l’environnement, etc. Le contenu en oligosaccharides du lait maternel est l’une de ces variables.
Les oligosaccharides favorisent la croissance des bifidobactéries, premiers colonisateurs de l’intestin du nouveau-né, dont le maintien de l’abondance est crucial pour préserver une composition équilibrée du microbiote. Les bifidobactéries constituent 50 % à 90 % du microbiote du nouveau-né allaité et possèdent des enzymes spécifiques permettant le catabolisme des oligosaccharides. Elles utilisent les produits de ce catabolisme pour leur propre croissance et pour synthétiser les acides gras à courte chaine (butyrate et propionate) qui créent un environnement intestinal favorable à la croissance d’autres souches de bifidobactéries, et ont des effets anti-inflammatoires et anti-allergiques.2
Les oligosaccharides participent aux mécanismes de défense directe contre les infections microbiennes et virales
Plusieurs études ont montré que le taux d’oligosaccharides dans le lait maternel était associé à une réduction de la prévalence des diarrhées, des infections en général et de la morbidité du nourrisson.2
De nombreux agents infectieux, virus, bactéries ou parasites, doivent adhérer à la surface des cellules épithéliales pour se répliquer. Les oligosaccharides possèdent une structure moléculaire proche de celle des motifs glycosylés retrouvées à la surface des cellules épithéliales et jouent ainsi le rôle de « leurres » pour de nombreux agents pathogènes, empêchant leur liaison avec les cellules épithéliales de surface. Les pathogènes non liés à la surface des cellules épithéliales sont ensuite éliminés. Cela a été démontré pour des virus (influenza, rotavirus, norovirus), des bactéries (Escherichia coli entéropathogène, Campylobacter jejuni, Listeria monocytogenes) ou encore pour Candida albicans), réduisant ainsi le risque d’infections sévères pour le nourrisson.1,2
Les oligosaccharides semblent agir aussi directement sur les cellules épithéliales intestinales, en modulant leur glycocalyx (revêtement fibrillaire situé à la face externe de la membrane cytoplasmique des cellules), ce qui réduit l’adhérence des agents infectieux et favorise la maturation de l’épithélium. De plus, ils agissent sur les protéines des jonctions serrées de l’épithélium, renforçant ainsi l’effet barrière de la paroi intestinale.1


Le lait maternel,
modèle central de nos recherches
depuis plus de 50 ans

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Les oligosaccharides agissent sur l’immunité et l’inflammation
Les études ont montré que les oligosaccharides jouent un rôle dans le développement du système immunitaire, et de nombreuses recherches sont en cours pour en explorer les mécanismes.
Certaines études ont déjà montré que les oligosaccharides modulent l’activité des cellules immunitaires et leurs voies de signalisation et participent au développement d’une réponse immunitaire Th1/Th2 plus équilibrée. Certains oligosaccharides améliorent l’immunité innée en stimulant l’expression de chimiokines.1
Les effets immunitaires des oligosaccharides semblent particulièrement importants au niveau de la muqueuse digestive, où ils renforcent les fonctions des cellules dendritiques qui jouent un rôle pivot dans la régulation et le développement du système immunitaire immature du nouveau-né.3
Les oligosaccharides peuvent aussi participer à l’activité anti-inflammatoire. Certains d’entre eux freinent in vitro la libération de cytokines pro-inflammatoires.1
Dans les modèles animaux, les oligosaccharides réduisent la perméabilité de la barrière intestinale, augmentent la production de mucus, diminuent l’inflammation digestive et modifient le microbiote intestinal. Ces données suggèrent leur potentiel thérapeutique dans l’entérocolite ulcéro-nécrosante du prématuré.
Un rôle dans le développement cognitif
Enfin, certains oligosaccharides, particulièrement les oligosaccharides syalilés, pourraient être liés au développement cérébral et cognitif. Des oligosaccharides fucolysés semblent quant à eux jouer un rôle dans l’apprentissage et la formation de la mémoire. D’autres études sont nécessaires pour préciser leur rôle dans le neurodéveloppement et les mécanismes impliqués.2
Les nombreux bienfaits des oligosaccharides sur le développement du nouveau-né justifient les messages d’encouragement de l’allaitement maternel.
1. Dubernat L, et coll. Les oligosaccharides du lait maternel : des rôles majeurs pour le développement de l’enfant et sa santé future [Human milk oligosaccharides play major roles in child development and future health]. Med Sci (Paris). 2023 Nov;39(11):869-875
2. Dinleyici M, et coll. Functional effects of human milk oligosaccharides (HMOs). Gut Microbes. 2023 Jan-Dec;15(1):2186115.
3. Carr LE, et coll. Role of Human Milk Bioactives on Infants’ Gut and Immune Health. Front Immunol. 2021 Feb 12;12:604080.