Les laits végétaux n’ont du lait que la couleur et le nom, car la dénomination « lait » désigne un produit extrait de la glande mammaire d’un mammifère femelle, en général la vache pour ce qui est des laits destinés à la consommation courante. Et la composition nutritionnelle du lait d’origine animale n’est pas la même que celle de ces laits végétaux, qu’il serait moins trompeur d’appeler « jus végétaux ». Or, la tendance sociétale à consommer moins de produits d’origine animale pourrait générer une utilisation croissante de jus végétaux dans l’alimentation des tout petits, voire même leur consommation en lieu et place du lait maternel ou des formules infantiles à base de lait de vache, avec de graves conséquences sur l’équilibre nutritionnel, la croissance et le développement des jeunes enfants. Si la composition des formules infantiles à base de lait de vache est très encadrée pour répondre parfaitement aux besoins nutritionnels des nourrissons, ce n’est pas le cas des jus végétaux.
Le lait joue un rôle particulièrement important dans l’apport nutritionnel du jeune enfant, notamment en protéines. Si l’on regarde par exemple l’apport protéique d’une portion (224g) de lait d’amande ou de riz, il ne représente respectivement qu’à peu près 2% et 8% de l’apport protéique d’une portion équivalente de lait de vache, ce qui est remarquablement peu. Ainsi, une utilisation inadéquate de certaines boissons végétales chez le jeune enfant peut occasionner des effets indésirables, voire délétères qui sont bien documentés : absence de prise de poids, retard de croissance, kwashiorkor, troubles hydro-électrolytiques, risque de calculs rénaux ou encore de déficits nutritionnels sévères à type d’anémie par carence martiale, de rachitisme et de scorbut.
De telles carences potentiellement graves sont largement accessibles à la prévention et justifient, à elles seules, une prise de position énergique du comité de nutrition représentatif de la NASPGHAN (North American Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition), faisant écho à diverses questions posées par la FDA en 2018 relatives à ces jus végétaux. Seules les préparations pour nourrissons et les laits de suite appropriés et validés sont autorisées en tant qu’alternative à l’allaitement maternel au cours de la première année de vie.
Au-delà de 3 ans, la nécessité d’un régime sans produits laitiers dérivés du lait de vache peut rendre légitime le recours à des préparations à base des jus végétaux à condition que ces dernières contiennent en quantité substantielle protéines, calcium et vitamine D : dans ce régime, il est vrai que ces nutriments font cruellement défaut et qu’il convient d’y pourvoir au travers de préparations adaptées. A cet égard, le consommateur doit savoir que tous les jus végétaux ne sont pas égaux et qu’il en va de même pour leurs dérivés notamment ceux destinés à l’alimentation du jeune enfant. Il est donc nécessaire de bien lire les emballages afin de s’assurer de la composition exacte de ces produits (supplémentation ou non en calcium par exemple).
Ces notions doivent être largement diffusées auprès de tous les intervenants, qu’il s’agisse des parents, des professionnels de santé, des fabricants, des chercheurs et des décideurs. L’étiquetage des produits commercialisés et encadrés par la FDA aux Etats-Unis doit faire mention de leur composition et de leur équivalence nutritionnelle avec le lait de vache. C’est chez le nourrisson et le jeune enfant (jusqu’à 3 ans) que les préparations inappropriées sont in fine les plus dangereuses en raison de ses besoins nutritionnels spécifiques. Il est donc important que les professionnels de santé et de la petite enfance puissent accompagner les parents dans leurs choix alimentaires.
Dr Philippe Tellier
Par Russell J.et al. Publiée dans le JPGN 2020 ;71 :276-281
Merritt RJ et coll. North American Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition Position Paper: Plant-based Milks.
J Pediatr GastroenterolNutr. 2020;71(2):276-281. doi: 10.1097/MPG.0000000000002799.