Les allergies alimentaires liées aux œufs de poule, au lait de vache ou encore aux cacahuètes n’ont rien de bénin, car elles peuvent altérer gravement la santé et la qualité de vie, tout en étant à l’origine de dépenses de santé qui peuvent s’avérer substantielles. Dans les pays à haut revenu, un sujet sur dix serait concerné par une allergie alimentaire. C’est chez le nourrisson et le jeune enfant qu’elles sont à la fois les plus fréquentes et les plus préoccupantes. Leur prévention est donc essentielle et des recommandations allant dans ce sens avaient été édictées en 2014 par l’European Academy of Allergy and Clinical Immunology (EAACI). Celles-ci ont été mises à jour sept ans plus tard pour inclure les résultats des recherches les plus récentes qui ont été passés en revue et analysés par un groupe de travail international multidisciplinaire représentant au total onze pays. Les avis d’experts extérieurs ont été également pris en compte avec le souci d’évaluer les bénéfices et les désagréments de chaque recommandation, en tenant compte du niveau de preuve fourni par les études retenues, mais aussi des implications en termes de ressources ou de préférences.
Les recommandations de 2021
Ces recommandations actualisées portent sur la prévention des allergies alimentaires chez les nourrissons (jusqu’à l’âge d’un an) et les petits enfants (jusqu’à l’âge de cinq ans), quel que soit le risque allergique. Dans les autres tranches d’âge, les données sont insuffisantes pour autoriser une telle approche.
En premier lieu, les experts rappellent que, même s’il ne contribue pas à réduire le risque d’allergie alimentaire, l’allaitement maternel a de nombreux bienfaits et reste le mode d’alimentation le plus adapté pour le nourrisson pendant les 6 premiers mois. Il est désormais recommandé que les préparations à base de lait de vache soient évitées en complément de l’allaitement au cours de la première semaine de vie. Si un complément à l’allaitement est réellement nécessaire, les experts recommandent de faire appel à une banque de lait ou d’utiliser des formules hydrolysées ou à base d’acides aminés.
Dans le cas où l’allaitement maternel n’est pas envisageable, les formules infantiles standards, à base de protéines intactes de lait de vache sûres d’emploi après la 1ère semaine de vie peuvent être recommandées. Ces formules infantiles n’ont pas d’impact sur le développement de l’allergie aux protéines de lait de vache (APLV) durant l’enfance. Les hydrolysats partiels de protéines peuvent être utilisés, toutefois ils ne permettent pas de réduire le risque d’APLV, en comparaison des formules infantiles standards.
Le comité de l’EAACI recommande également d’introduire de petites quantités d’œuf bien cuit lors de la diversification alimentaire. Dans les populations où la prévalence de l’allergie aux cacahuètes est élevée, il conviendrait d’introduire ces dernières sous une forme adaptée à l’âge, là aussi lors de la diversification alimentaire. Les études disponibles laissent à penser que le meilleur âge pour introduire les œufs et les cacahuètes dans l’alimentation se situe entre quatre et six mois.
Pas d’exclusion pour la mère, pas de soja pour l’enfant
Pour prévenir au mieux les allergies alimentaires du nourrisson et du petit enfant, deux pratiques sont écartées par le comité d’experts. Ils déconseillent en effet les pratiques consistant à : i) exclure les aliments contenant des allergènes alimentaires pendant la grossesse et la période d’allaitement maternel ; (ii) recourir à des préparations à base de protéines de soja au cours des six premiers mois de la vie.
Pour résumer, aux recommandations de 2014 s’ajoutent :
(i) l’introduction des cacahuètes et des œufs bien cuits lors de la diversification alimentaire (niveau de certitude : modéré) ;
(ii) l’évitement des préparations à base de lait de vache comme complément de l’allaitement maternel, au cours de la première semaine de vie, pour les nourrissons exclusivement allaités (niveau de preuve : faible).
Force est de reconnaître que la prévention des allergies alimentaires reste entachée de nombreuses incertitudes. Plus que jamais, la recherche internationale doit se poursuivre, en sachant que les études doivent, pour être crédibles, reposer sur des critères diagnostiques robustes et éprouvés.
Dr Philippe Tellier
Halken S et coll. EAACI guideline: Preventing the development of food allergy in infants and young children (2020 update). Pediatr Allergy Immunol. 2021 ; 32(5):843-858. doi: 10.1111/pai.13496.