La question de la diversification alimentaire et de la prévention des allergies alimentaires a été l’objet d’affirmations parfois contradictoires ces dernières décennies en raison de l’absence d’arguments sérieux scientifiquement prouvés(1). Grâce à des études solides menées ces dix dernières années, des réponses plus claires permettent d’éclairer nos pratiques.
Recommandations pour la prévention de l’allergie alimentaire
Recommandations pour l’enfant sans facteur de risque allergique
Aucun régime particulier n’est nécessaire chez la femme enceinte et il n’est pas justifié de proposer d’emblée un régime d’éviction chez la femme allaitante.
L’enfant doit recevoir une alimentation lactée exclusive (allaitement maternel ou lait infantile 1er âge) jusqu’à 4 mois révolus et l’allaitement maternel doit être favorisé aussi longtemps que possible(2).
La diversification alimentaire :
- doit être débutée après l’âge de 4 mois révolus en raison de l’augmentation du risque d’allergie avant 4 mois(2) ,
- doit être débutée avant l’âge de 6 mois révolus, âge à partir duquel une alimentation exclusive par le lait maternel ou les préparations pour nourrissons est insuffisante pour couvrir les besoins nutritionnels du nourrisson(2).
L’ordre d’introduction des aliments doit être adapté en fonction des habitudes familiales et culturelles.
Les aliments allergisants peuvent être introduits à tout moment après le début de la diversification(2). Retarder leur introduction n’a pas d’intérêt, voire pourrait augmenter le risque d’allergie(2).
Recommandations pour l’enfant à risque de développer une allergie alimentaire
Il s’agit des nourrissons :
- ayant présenté un eczéma ou une dermatite atopique (augmentation du risque de sensibilisation cutanée par les allergènes),
- ayant des antécédents familiaux d’allergie (prédisposition génétique),
- ayant déjà développé d’autres allergies alimentaires.
Dans ces cas :
- on pourra discuter d’un régime d’exclusion pour la maman allaitante en cas d’apparition de signes cliniques évocateurs d’allergie chez le nourrisson allaité(3),
- l’introduction des aliments allergisants doit avoir lieu de façon précoce, entre le 4e et le 6e mois, sous surveillance. En effet, contrairement aux idées reçues, les études ont montré qu’une introduction précoce des aliments allergisants est associée à un risque plus faible d’allergie(2).
Recommandations pour l’introduction des principaux allergènes
Les nourrissons dont l’alimentation ne comprend pas d’œufs, de produits à base d’arachides ou de produits laitiers durant leur première année de vie seraient plus susceptibles de présenter une sensibilisation à ces aliments à l’âge de 1 an. Il est donc essentiel d’introduire ces allergènes dès le début de la diversification(2).
Introduction du gluten(2, 4)
Les dernières recommandations suggèrent d’introduire le gluten entre 4 et 12 mois. Il n’y a pas d’intérêt à retarder l’introduction du gluten.
L’allaitement ne modifie pas le risque d’apparition d’une maladie cœliaque (intolérance au gluten). Il n’y a pas de recommandation particulière pour les enfants aux antécédents familiaux de maladie cœliaque.
Il faudra seulement éviter la consommation de gluten en grandes quantités pendant la petite enfance.
Introduction de l’arachide
Selon les recommandations du comité de nutrition de l’European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition (ESPGHAN) et du National Institute of Allergy and Infectious Disease (NIAID) :
- chez les nourrissons sans risque d’allergie, l’introduction pourra avoir lieu en fonction des habitudes familiales, entre 5 mois révolus et 11 mois dans l’idéal(2, 5, 6)
- pour les nourrissons à risque, une exposition entre le 4e et le 6e mois réduit le risque d’allergie ultérieure(6). Il faudra donc proposer une introduction précoce de l’arachide sous forme de produits adaptés à l’âge.
En raison de la gravité potentielle de l’allergie à l’arachide, ne pas hésiter à demander un avis spécialisé si besoin pour proposer une introduction en milieu hospitalier si nécessaire(6).
Introduction des œufs(2, 5)
Les études montrent à nouveau qu’il n’y a pas d’intérêt à retarder l’introduction de l’œuf dans l’alimentation du nourrisson, la prévalence de l’allergie étant plus faible si l’introduction est précoce. Il est donc conseillé de proposer l’œuf dès l’âge de 5 mois et avant le septième mois.
Prévention de l’allergie aux protéines de lait de vache
En pratique courante, la présence d’allergie aux protéines de lait de vache rapportée par les parents est plus souvent supérieure à la prévalence réelle. Celle-ci est estimée entre 2 et 3 % de la population infantile avec un pic dans la première année de vie(3). La meilleure prévention reste le maintien de l’allaitement maternel le plus longtemps possible(7).
En cas de facteur de risque d’allergie aux protéines de lait de vache (terrain atopique, antécédents familiaux…) :
- si le nourrisson n’a pas de symptôme, la mère doit continuer l’allaitement sans régime d’exclusion,
- en cas de signes évoquant une allergie, il faudra exclure les laitages (d’origine bovine) de l’alimentation de la mère allaitante et lui prescrire une supplémentation calcique(8).
En présence d’allergie, lors de l’arrêt de l’allaitement ou en cas d’alimentation au biberon, il faudra proposer des préparations pour nourrissons constituées d’hydrolysats poussés de protéines de lait de vache(8). Les laits hypoallergéniques ou « HA », quant à eux, ont une place dans la prévention des manifestations allergiques chez les enfants à risque atopique comme l’affirment plusieurs sociétés savantes(9).
Selon les recommandations de l’ESPGHAN, le lait de vache entier ne devrait pas être introduit comme boisson avant l’âge de 12 mois(2). Il convient donc d’inciter les parents à ne pas donner de lait classique du commerce avant le premier anniversaire de l’enfant.
En conclusion
Pour minimiser le risque d’allergie alimentaire chez le nourrisson, les dernières recommandations proposent :
- de démarrer la diversification alimentaire entre le 4e et le 6e mois de vie révolus,
- l’introduction des aliments allergisants dans cette période, y compris chez le nourrisson à risque d’allergie,
- la prévention et le traitement efficace de l’eczéma et de la dermatite atopique pour éviter toute sensibilisation cutanée par les allergènes.
Références :
1. Turck D, Dupont C, Vidailhet M et al. Diversification alimentaire : évolution des concepts et recommandations. Arch Pediatr. 2015;22(5):457-60.
2. Fewtrell M, Bronsky J, Campoy C et al. Complementary feeding: a position paper by the European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition (ESPGHAN) committee on nutrition. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2017;64(1):119-32.
3. Koletzko S, Niggemann B, Arato A et al. Diagnostic approach and management of cow’s-milk protein allergy in infants and children : ESPGHAN GI Committee practical guidelines. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2012;55(2):221-9.
4. Szajewska H, Shamir R, Mearin L et al. Gluten introduction and the risk of coeliac disease: a position paper by the European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition. J Pediatr Gastroenterol Nutr.2016;62(3):507-13.
5. Natsume O, Ohya Y. Recent advancement to prevent the development of allergy and allergic diseases and therapeutic strategy in the perspective of barrier dysfunction. Allergol Int. 2018;67(1):24-31.
6. Togias A, Cooper SF, Acebal ML et al. Addendum guidelines for the prevention of peanut allergy in the United States: report of the National Institute of Allergy and Infectious Diseases-Sponsored Expert Panel. Pediatr Dermatol. 2017;34(1):e1-e21.
7. Vandenplas Y. Prevention and management of cow’s milk allergy in non-exclusively breastfed infants. 2017;9(7):731.
8. Dupont C, Chouraqui JP, de Boissieu D et al. Prise en charge diététique de l’allergie aux protéines de lait de vache. Arch Pediatr. 2011;18(1):79-94.
9. Tounian P. Les laits HA ont-ils encore une place dans la prévention de l’allergie ? Réalités Pédiatriques. 2013;179:23-4.