Le contenu optimal en fer au sein des préparations pour prématurés pose un réel dilemme. Chez ces jeunes patients, il existe un double risque : le manque de fer menace, mais une surcharge ferrique non dénuée de toxicité est une autre perspective qui doit être prise en compte. Le problème tiendrait en partie à une absorption intestinale inconstante ou variable du fer qui témoignerait d’une régulation peu adaptée aux variations de ses apports, pour cause d’immaturité intestinale. Cet argument ne repose cependant que sur un petit nombre d’études souvent transversales portant sur des effectifs faibles, dont les résultats sont de surcroît discordants. La question d’une relation du type dose-effet entre les apports en fer et son absorption reste sans réponse claire à l’heure actuelle.
Une étude d’observation : 18 prématurés de très petit poids de naissance
Ces incertitudes sont à l’origine d’une étude dans laquelle ont été inclus 18 prématurés de très petit poids de naissance (1347 ± 201 g ; terme, 30 ± 1,3 semaines. Au cours des semaines qui ont suivi, un apport constant en fer a été assuré dans des préparations contenant de fait 0,7 mg/dl de ce cation. Au terme de 33 ± 1,3 et 34 ± 1,2 et 48 ± 0,5 semaines, le poids a augmenté pour atteindre respectivement les valeurs moyennes de 1768 ± 260 et 2298 ± 314 et 5127 ± 939 g.
L’équilibre en fer a été testé pendant 48 heures à trois reprises chez chaque nourrisson. Le statut nutritionnel en fer, pour sa part, a été évalué à partir des variables biologiques suivantes : taux sériques d’hémoglobine, volume globulaire moyen (VGM), hématocrite, ferritine et transferrine plasmatiques et coefficient de saturation de la transferrine.
Absence de relation dose-effet
Aucune relation n’a été établie entre les apports en fer en fonction du poids et l’absorption intestinale du cation. Ces derniers (en mg · kg-1 · jour-1) ont de fait diminué au cours de l’étude au fur et à mesure que les participants prenaient du poids : ils sont passés de 1,17 ± 0,08 à 1,24 ± 0,11 et 1,1 ± 0,15. Parallèlement, l’absorption nette du fer (en mg · kg-1 · jour-1) a augmenté de manière significative, passant de 0,32 ± 0,26 à 0,36 ± 31 puis à 0,49 ± 0,23, soit en pourcentage des valeurs respectives de 27 ± 22 et 29 ± 23 et 46 ± 21 % (p < 0,01).
Les taux sériques de ferritine, le coefficient de saturation de la transferrine ont diminué et le VGM ont diminué, cependant que l’hématocrite et les taux d’hémoglobine sont restés stables. Aucune relation n’a été établie entre la ferritine sérique et l’absorption du fer. En revanche, la saturation de la transferrine (54 %), le VGM (7 %) et l’hématocrite (6 %) sont les variables qui ont permis en grande partie (67 %) d’estimer les variations de l’absorption du fer (p<0,001).
Au terme de cette étude, il s’avère que, pour des apports de fer compris entre 0,8 et 1,4 mg · kg-1 · jour-1, l’absorption intestinale de ce cation chez les prématurés de très petit poids de naissance n’est pas dose dépendante, tout au moins au cours des quatre premiers mois de vie. Elle ne dépend pas non plus des réserves en fer de l’organisme. Quand les apports tissulaires de fer diminuent, l’absorption du cation augmente pour répondre aux besoins physiologiques chez ces nourrissons au demeurant en bonne santé, dont la croissance s’avère rapide pendant l’hospitalisation. Par ailleurs, pour évaluer le statut nutritionnel en fer, la saturation de la transferrine et le VGM semblent plus adaptés car ces variables biologiques apparaissent plus sensibles que la ferritine sérique et l’hémoglobine au cours de cette période critique.
Dr Philippe Tellier
Cooke RJ et coll. Iron Balance and Iron Nutritional Status in Preterm Infants During the First Four Months of Life. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2021 73(3):403-407. doi: 10.1097/MPG.0000000000003183.

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