Le développement cognitif de l’enfant est surveillé régulièrement et les examens de santé obligatoires le rappellent. Le praticien doit garder à l’esprit l’importance de cette surveillance pour le développement de l’enfant et le dépistage d’un trouble éventuel. En effet, toute consultation peut en offrir l’opportunité d’un dépistage précoce, ce qui améliorera de facto la prise en charge de la pathologie(1).
Le développement cognitif : de l’influence de la nature et de l’environnement
La connaissance du développement cognitif de l’enfant s’est édifiée sur les bases d’un débat permanent sur l’influence respective de l’inné et de l’acquis. Au début du 20ème siècle, la thèse dominante (innéiste) est que la nature a l’influence prépondérante (Gesell) : les nourrissons se développeraient selon un rythme biologique prédéterminé. A l’opposé, les « behaviouristes », avec Pavlov, Watson et Skinner, soutiennent que le développement est uniquement basé sur l’apprentissage.
Il faut attendre la seconde moitié du siècle, pour que Jean Piaget affirme le premier que l’enfant est doté d’intelligence et explore le monde en cherchant à comprendre son environnement. Selon son stade de développement, il organise les informations recueillies pour se forger son idée de la façon dont le monde fonctionne. Les « constructivistes » mettent alors l’accent sur le rôle réciproque de la maturation cérébrale et de l’environnement. Les avancées en termes de génétique et les découvertes des capacités innées de l’enfant pourraient faire à nouveau reconnaître à la nature une influence importante dans le processus de développement.(2)
Plusieurs stades dans le développement cognitif
Sur les bases des travaux de Piaget, il est établi que le développement cognitif de l’enfant se déroule selon plusieurs stades :
- Le stade sensori-moteur est le premier, de 0 à 2 ans. L’exploration de l’environnement est d’abord visuelle, le nourrisson suit les visages, puis les objets. La conscience tridimensionnelle et la réponse apparaît à 3 mois. Puis le contrôle progressif de ses bras et de ses mains permet à l’enfant d’expérimenter la manipulation. Il apprend peu à peu à faire la différence entre son corps et les objets. L’acquisition de la notion de permanence de l’objet, vers 9-10 mois, marque une étape importante, quand l’enfant comprend que sa mère existe même quand il ne la voit pas. La notion de causalité est un autre concept important de cette période, quand l’enfant comprend qu’il peut agir sur son environnement (utiliser un objet à son bénéfice, attirer l’attention de ses parents en faisant du bruit)(3)(4).
- L’intelligence pré-opératoire est le stade suivant, de 2 à 6-7 ans. C’est le stade de l’acquisition du langage, du dessin et du raisonnement intuitif. L’enfant fait le lien entre l’objet et le symbole (entre l’objet et le mot écrit, parlé ou la représentation de l’objet). L’acquisition du langage est un marqueur important du développement cognitif. A la naissance, les pleurs sont la première forme de communication. Vers 9 mois, l’enfant commence à associer voyelles et consonnes dans des sons et dit ses premiers mots vers 1 an. Ils concernent les objets avec lesquels il interagit régulièrement et varient considérablement selon les enfants, ce qui témoigne de l’importance des stimuli environnementaux dans le développement du langage. Vers 15 mois, l’enfant sait dire « non », avec un mouvement de la tête. Il imite de plus en plus de sons et répète des mots entiers. Vers 18-24 mois, il connait une cinquantaine de mots. Son vocabulaire augmente progressivement et les phrases s’allongent. Vers 3 ans, 75 % de ses phrases sont comprises par un étranger à la famille, 100 % à 4-5 ans.
- Puis vient l’intelligence des opérations concrètes, de 7 à 11-12 ans. La pensée devient plus subtile, l’enfant peut envisager d’autres points de vue que les siens. Les notions de temps, d’espace et de vitesse se précisent.
- Enfin le stade d’intelligence des opérations formelles, à partir de 11-12 ans. L’adolescent sait alors manier des idées abstraites, sans obligatoirement passer par le concret(3)(4).
Les « Red Flags » cognitifs
Le repérage précoce d’un retard de développement cognitif est essentiel. Au-delà de l’inquiétude des parents qui ne doit jamais être négligée, certains signes constituent des signaux d’alerte.
Voici quelques repères(4):
- 2 mois : absence de fixation
- 4 mois : absence de suivi visuel
- 6 mois : l’enfant ne se tourne pas vers un son ou une voix
- 9 mois : n’utilise pas les consonnes du babillage
- 24 mois : n’utilise pas de mots simples
- 36 mois : ne forme pas de phrases de 3 mots.
Pour l’enfant plus âgé, le repérage d’un retard de développement cognitif est facilité par la grille « Repérer un développement inhabituel chez les enfants de moins de 7 ans » mise à disposition des professionnels de santé par la délégation interministérielle à l’autisme et aux troubles du neuro-développement. Elle permet un dépistage, préambule à une prise en charge plus élaborée à visée diagnostique(1).
Références :
1. Détecter les signes d’un développement inhabituel chez les enfants de moins de 7 ans – Délégation interministérielle à la stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement – Lien : https://handicap.gouv.fr/IMG/pdf/formulaire_reperage_tnd_2020.janv.pdf .
2. Plauche Johnson C. et coll.: Infant Growth and Development Pediatrics in Review Vol. 18 No. 7 July 1997.
3. Brondeau O. : Le développement cognitif de l’enfant : aspects normaux et pathologiques.
4. Wilks T. et coll.: Developmental Milestones: Cognitive Development Pediatrics in Review Vol.31 No.9 September 2010.