Le développement rapide (staturo-pondéral, immunitaire, neurologique, gastro-intestinal et cognitif) de l’enfant au cours de ses premières années de vie explique des besoins alimentaires spécifiques.
Des besoins nutritionnels spécifiques… dès la vie in utero !
Les besoins nutritionnels du bébé doivent être pris en considération dès la grossesse. Les recommandations en matière de macronutriments, pour la future mère, ne sont pas très différentes de celles de la population générale. La grossesse est un moment privilégié pour être vigilant aux apports nutritionnels et à accompagner les femmes à adopter une alimentation variée et équilibrée pour elle et son fœtus. Les lipides méritent une attention particulière. Si les besoins quantitatifs ne sont pas différents lors de la grossesse, rappelons l’importance de l’apport en acides gras polyinsaturés précurseurs et particulièrement celle des acides gras polyinsaturés à longue chaine n-3, impliqués dans le développement cérébral du fœtus(1)(2). Il sera alors conseillé à la femme enceinte de consommer de aliments riches en oméga-3 tels que les huiles de colza ou de noix ou des poissons gras comme le saumon.
De nombreux micronutriments sont nécessaires en plus grande quantité pendant la grossesse : cuivre, fer, iode, zinc, vitamines A B. Les apports en folates, doivent être renforcés dès que la femme exprime un projet de grossesse et au début de celle-ci, dans le cadre de la prévention du défaut de fermeture du tube neural(1).
Les apports recommandés en vitamine D sont les mêmes qu’en dehors de la grossesse (15 μg/j), ceux en calcium également, mais requièrent toutefois une vigilance particulière(1).
Le lait maternel, la référence jusqu’à 6 mois
Entre 0 et 6 mois, l’aliment de référence est le lait maternel. Parfaitement adapté aux besoins physiologiques de l’enfant, il lui assure les apports recommandés en lipides (50-55 % de l’apport énergétique total ou AET), protéines (7-15 % de l’AET) et glucides (40-50 % de l’AET). Sa composition évolue au fil du temps et s’adapte aux besoins du nourrisson. Au-delà de ses avantages nutritionnels, l’allaitement favorise les interactions mère-enfant, protège contre certains risques infectieux et allergiques, favorise le développement des capacités orales nécessaires pour s’alimenter et l’acceptation des différentes saveurs au moment de la diversification. Une supplémentation systématique en vitamines D et K est nécessaire pour nourrisson exclusivement allaité(3).
Quand l’allaitement n’est pas souhaité ou possible, les laits infantiles 1er âge répondent aux besoins des nourrissons, avec des teneurs règlementées pour de nombreux nutriments, comme les protéines, lipides et nombre de vitamines et minéraux. Ils peuvent être enrichis en certaines substances comme des prébiotiques ou probiotiques(4).
Une règlementation européenne a rendu obligatoire l’ajout de DHA (acide docosahexaénoïque) indispensable au développement du tissu cérébral, dans les laits infantiles depuis le 22 février 2020(5).
A défaut d’allaitement maternel, seules les formules pour nourrissons peuvent remplacer le lait maternel. Le lait de vache n’est pas nutritionnellement adapté(4). Et Quant aux les boissons végétales, improprement appelées « laits végétaux », elles exposent les nourrissons à des risques sévères pour la santé et sont donc fortement déconseillées avant 1 an.
La diversification alimentaire : pas avant 4 mois, pas après 6 mois
Selon la Société Française de Pédiatrie, la diversification ne doit pas être débutée avant 4 mois révolus, mais pas non plus après 6 mois(6).
Elle se fait de façon progressive et souple, adaptée à l’évolution neurologique et à l’éveil de l’enfant. Entre 6 et 12 mois, la part des lipides dans l’AET reste important puisqu’ils doivent couvrir jusqu’ à 45-50 % de l’apport énergétique total. Les protéines constituent 7 à 15 % de l’AET et les glucides 40 à 50 % de celui-ci(4).
Au tout début de la diversification, les besoins en lipides sont assurés par le lait maternel ou une formule infantile 2ème âge. La Société Française de Pédiatrie recommande au moins 500 ml de lait maternel ou d’une formule infantile jusqu’à au moins 1 an. Cependant, dès lors que la part de l’alimentation diversifiée prend une part plus importante dans la diète de l’enfant, il est nécessaire que lipides soient fournis également par les cœurs de repas, composés d’aliments solides auxquels doivent être ajoutées des matières grasses. Il sera conseillé de privilégier les huiles riches en acide alpha-linolénique (colza, noix)(4).
Pour éviter un excès de protéines, la viande, le poisson et les œufs ne doivent pas en fournir plus de 10 g par jour jusqu’à 1 an(4).
Évolution de l’alimentation entre 12 et 36 mois
Après 1 an, le lait 2ème âge est remplacé par un lait de croissance. Les lipides doivent alors couvrir 45 à 50 % de l’AET, les protéines entre 6 et 15 % et les glucides entre 40 et 50 %(4). La SFP recommande de ne pas dépasser l’équivalent de 800 ml de lait par jour, et la viande, le poisson ou les œufs ne doivent pas apporter plus de 20 g de protéines par jour entre 1 et 2 ans et 30 g par jour entre 2 et 3 ans(3).
Les apports en acides gras polyinsaturés, acides eicosapentaénoïque (EPA) et docosahexaénoïque (DHA), indispensables au développement cérébral du nourrisson et du jeune enfant, seront assurés par la consommation de poissons, sans dépasser 2 fois par semaine et en limitant les poissons d’eau douce fortement bio-accumulateurs, les prédateurs sauvages (bar, lotte, thon, etc.) et en évitant l’espadon, le requin ou la lamproie, accumulateurs de méthylmercure(4).
Une enquête de l’ANSES relevait récemment des inadéquations entre les apports en macronutriments et les recommandations. Chez les enfants de moins de 1 an, les lipides ne représentent en moyenne que 38 % de l’AET, contre les 50-55 % recommandés avant 6 mois et 45-50 % ensuite. Après 1 an, ils contribuent pour seulement 32 % au lieu des 45-50 % préconisés. Cette contribution insuffisante se fait au profit des glucides et des protides(4).
Le fer, essentiel pour le développement neurologique du nourrisson et du jeune enfant(7)
La majorité des enfants nés à terme et de poids normal ont des réserves de fer suffisantes pour assurer la majorité de ses besoins jusqu’à 4-6 mois. Le lait maternel suffit aux besoins en fer, malgré sa faible concentration (0,30 mg/l) car le fer du lait maternel est particulièrement biodisponible. Les laits 1er âge commercialisés en Europe contiennent environ 4 à 8 mg de fer/l, ce qui est suffisant pour un enfant né à terme et de poids normal. Après 6 mois, le fer doit être apporté par l’alimentation en quantité suffisante du fait d’une croissance rapide. Les apports alimentaires quotidiens recommandés sont de 7,8 à 11 mg entre 6 et 12 mois et de 5,8 à 9 mg de 1 à 3 ans(7). L’absorption du fer est étroitement régulée. Si plus de 50 % du fer contenu dans le lait maternel est absorbé, ce n’est pas le cas des laits enrichis ou des aliments enrichis en fer, dans lesquels sa biodisponibilité n’est que de 10 %, et encore moins du fer non héminique apporté par les végétaux ou le œufs (2 à 5 %). Pour couvrir leurs besoins en fer, à partir de 6 mois, les enfants doivent recevoir une formule infantile (s’il n’y a pas d’allaitement) et des aliments riches en fer, parmi lesquels la viande et des céréales infantiles(7).
Références :
1. Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à l’actualisation des repères alimentaires du PNNS pour les femmes enceintes ou allaitantes – Avis de l’Anses Saisine n° 2017-SA-0141.
2. Avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments relatif à l’actualisation des apports nutritionnels conseillés pour les acides gras Saisine n° 2006- SA- 0359.
3. Repères alimentaires – Saisine PNNS 4 – Population spécifiques Enfants 0-3 ans 4-17 ans – Expertise Anses 2019.
4. Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à l’actualisation des repères alimentaires du PNNS pour les enfants de 0 à 3 ans, Saisine n° 2017-SA-0145.
5. Tounian P. et coll. : Pourquoi doit-on craindre les carences lipidiques en pédiatrie? réalités Pédiatriques – n° 232_Juin 2019.
6. Turck D. et coll. : Diversification alimentaire : évolution des concepts et recommandations – Archives de Pédiatrie 2015;22:457-460.
7. Domellöf M. et coll. : Iron requirements of Infants and Toddlers – JPGN Volume 58, Number 1, January 2014.
8. Lemale J., Replacing breastmilk or infant formula with a nondairy drink in infants exposes them to severe nutritional complications – Brief report- Acta Paediatrica (2018) 107pp1828-1829.